15.2.15

La culture du coucou

Périple à travers le désert australien.


Entre Cairns et Darwin, il y avait environ rien d'intéressant, alors on a fait trois jours de route sans s'arrêter pour ne pas perdre de temps (on s'est quand même arrêté pour dormir, hein). Conduire dans le désert, c'est une expérience impressionnante.

Au début, tu te dis "Waouh, trop bien, c'est tout droit 
comme dans les films". Au bout d'une heure, tu te dis 
"Ah ouais, en fait c'est VRAIMENT tout droit quoi". 
_______________________Simon Turmel, 2014

Démonstration:


En outre, comme le principe d'une région désertique est d'être déserte, il n'y a PERSONNE. On était tout seul sur la route la plupart du temps, et on croisait un autre conducteur toutes les deux heures environ. Comme les gens se sentent seuls, dès qu'ils croisent quelqu'un, ils lui font coucou! Nous, on fait aussi coucou aux gens qui gèrent le trafic sur la route quand il y a des travaux, parce qu'on est gentil. On a appris dans le Lonely Planet qu'il y avait un truc appelé le "bush sign"; c'est quand tu lèves seulement l'index de ton volant pour faire coucou. Moi j'avais passé un mois à insulter les gens qui me faisaient ce signe parce que je les croyais trop flemmards pour lever toute la main, alors qu'en fait ceux qui levaient toute la main (comme moi) ben c'était juste les touristes nuls qui connaissaient pas les coutumes du pays.

Si les humains se font rares, par contre, les animaux sont bien là et ils ont tendance à vouloir un peu trop se faire écraser. Les oiseaux sont sur la route et ils bougent seulement quand tu arrives à dix mètres d'eux, et quand ils s'envolent, il restent bien à un mètre de hauteur pour que tu puisses leur foncer dedans s'ils ne décalent pas à temps. Les lézards lézardent aussi au milieu de la route, et bien sûr, quand ils s'enfuient (et ça n'arrive pas toujours), ils le font du côté de la route où ta voiture va passer (l'instinct de survie? quelle drôle d'idée). Les vaches broutent sur le bas-côté et parfois, elles traversent sans prévenir. Les kangourous et wallabies font ça aussi, le matin et le soir. C'est très stressant et malgré mon pacifisme intense envers les animaux et mon absence totale de cruauté, j'ai dû écraser quatre ou cinq lézards sans le vouloir. On a aussi vu moult cadavres d'animaux plus gros, sans doute écrasés par des road trains. Les road trains sont des camions qui tirent jusqu'à trois remorques et qui peuvent faire jusqu'à 54m de long. Ils roulent la nuit parce qu'ils s'en fichent d'écraser des animaux puisqu'ils ont leur pare-choc spécial vaches. Et comme ça leur prend trois fois plus de temps pour freiner, ils s'embêtent pas, ils préfèrent écrabouiller les trucs qui leur barrent la route. Ils sont aussi très chiants à dépasser.

Une autre caractéristique du nord de l'Australie, c'est les termitières. Après s'être un peu éloigné de la côte, on a commencé à en voir de plus en plus sur le bord de la route, dans les champs, partout. Des petites, des moyennes, des grosses, et des immenses avec des formes super bizarres.


Sur cette photo, on voit les termitières du début, celles qui étaient encore de taille raisonnable. Après, on a vu des termitières-cathédrales (je crois que ça s'appelle comme ça) qui dépassaient facilement les deux mètres, voire trois.
Et puis en se rapprochant de Darwin, on a commencé à observer un phénomène étrange: certaines termitières portaient des habits. T-shirts, casquettes, lunettes de soleil, parfois même perruques. J'ai pas réussi à prendre de photo parce qu'on était en train de rouler, mais c'était à la fois marrant et dérangeant. J'ai pas arrêté de me demander qui pouvait bien s'embêter à venir enfiler des vieilles fringues sur des tas de boue remplis de bêtes dégueu.

Juste avant Darwin, il y a le Kakadu National Park, réputé pour ses paysages superbes, ses cascades, ses piscines naturelles et ses randonnées. Tout ça, c'est super pendant la saison sèche. Pendant la saison humide, la moitié des routes sont inaccessibles à cause des inondations, il fait moche, chaud et moite, il y a des moustiques partout et c'est nul. Par conséquent, on l'a traversé en voiture, on s'est arrêté dans un centre d'information pour qu'on nous confirme qu'il n'y avait rien à faire, et puis on est parti.

On est arrivé à Darwin et on est allé passer l'après-midi à Crocosaurus Cove, un mini-zoo plein de crocodiles et de reptiles. Il comptait six des plus gros crocodiles du monde si ma mémoire est bonne. On a assisté à une séance de nourrissage, qui ne donnait vraiment pas envie d'être à la place du morceau de viande au bout du fil.

Ce crocodile, de par sa corpulence très corpulente, a été nommé Big Boy. Ils auraient dû l'appeler Boudin.
 Il y avait aussi un bassin avec tout plein de bébés crocodiles tout mignons qui nageouillaient tranquille. On en a pris un dans nos mains mais y'avait pas le droit aux photos (parce que il fallait payer).

Coucou!
On a appris que les crocodiles pouvaient sauter. En fait, c'est pas vrai: ils ne sautent pas, ils se catapultent carrément hors de l'eau avec leur queue.

Comme ça. Imaginez un des gros le faire.

Il y avait un truc qui s'appelait la cage de la mort; c'était une boîte ronde transparente où tu pouvais entrer pour un prix indécent, après ils la descendaient dans le bassin et excitaient le crocodile avec un bout de viande pour qu'il saute à côté de la cage et que tu aies l'illusion d'être en danger de mort.

Ouuuh trop intense.
On s'est demandé ce qui se passerait si la chaîne lâchait et que la cage tombait au fond du bassin. Après, on a eu un débat pour savoir s'il était préférable de rester dans la cage et se noyer, où sortir de la cage et se faire dévorer. On a pas trouvé de conclusion satisfaisante.

Dans le zoo, il y avait aussi un reptilarium (on va dire que ce mot existe) avec je cite "la plus grande collection de reptiles du Territoire du Nord". En même temps, c'est sûrement la seule.
On a vu plein de lézards et de serpents, et on a câliné un python.

Le python est zen

Le python fait n'importe quoi.

On est resté à Darwin un jour de plus, parce que j'avais besoin d'une bibliothèque pour faire un devoir et l'envoyer. Nous sommes donc tout naturellement allés à la bibliothèque du Parlement, parce que pourquoi pas (et aussi parce que le wifi était limité dans les autres). Le Parlement était classe.


 Mais le wifi était toujours limité.


Pour aller de Darwin à Alice Springs, on a mis deux ou trois jours. Et on a changé de climat. Il faut savoir que la saison humide, c'est pas que des petites averses un peu tout le temps. C'est des GROSSES averses qui te trempent jusqu'aux os en dix secondes, qui peuvent arriver n'importe quand, sans prévenir. 

Et faire des grosses flaques comme ça sur la route.

Et c'est aussi 35° minimum en permanence, et 90% d'humidité dans l'air. Ce qui veut dire, en gros, que tu transpires à longueur de journée et que dès que tu sors d'un endroit climatisé tu as l'impression d'entrer dans une salle de bain où quelqu'un a pris une très longue douche brûlante sans ouvrir la fenêtre ou la ventilation. Et il fait même pas beau. De Cairns à Alice Springs, notre matelas et nos oreillers étaient moites et rien ne séchait dehors; il fallait conduire avec les fenêtres ouvertes sous peine de suffoquer rapidement à l'intérieur de la voiture (qui n'a pas la clim) - conséquence: quand une averse arrivait, on devait fermer les fenêtres et transpirer à grosses gouttes jusqu'à ce que ça s'arrête et qu'on puisse respirer à nouveau. Tout ça sans douche, bien sûr, à quelques exceptions près. La grande joie, donc.

En arrivant à Alice Springs, il faisait toujours chaud, mais l'air était sec; et ça change tout. L'air sec, c'est super, c'est revigorant, c'est moins fatiguant, moins salissant, moins épuisant, c'est tout doux, c'est génial, ça sent bon. C'est sec. Et le soleil est aussi revenu, et tout était beau et gentil.

Il n'y avait pas grand chose de gratuit à faire à Alice Springs (on commençait à sentir de loin les effluves de la dèche), alors on a visité un musée de l'aviation où il y avait... des avions.


On a aussi découvert à quoi ça ressemblait un aéroport dans le désert, avant.

Ça ressemblait à ça.

Les jours d'après, on est allé dans les MacDonnell Ranges, la chaîne de montagnes qui entoure Alice Springs. C'était le désert, le vrai: de la terre rouge, des gros rochers, des herbes qui piquent, des canyons, des gorges, des failles, des trous d'eau, des insectes bizarres, de la chaleur.

Ormiston Gorge, paysage typique.

On a roulé jusqu'à Gosse Bluff, une sorte de cercle de petites montagnes qui serait selon les scientifiques, un ancien cratère de météorite; selon les aborigènes, un berceau de bébé géant à l'envers tombé du ciel (oui).

Le cratère vu de loin.

Après, on a roulé jusqu'à Kings Canyon, et on a fait la super randonnée badass qui fait tout le tour du canyon.


¤ Petit interlude sur les randonnées en été dans le désert ¤

Il fait chaud. Les longues randonnées difficiles sont fermées à partir de 9h le matin, pour éviter que des imbéciles se retrouvent coincés tout en haut à 14h sous un soleil écrasant par 45°, et qu'on doive aller les chercher en hélicoptère parce qu'ils sont déshydratés.
Il y a des dizaines de panneaux préventifs qui disent aux gens de prendre trois litres d'eau par personne et de la nourriture, de mettre des chapeaux à larges bords, de la crème solaire et des bonnes chaussures, et de boire tous les quarts d'heure. Avec Simon, on a bien bu nos trois litres chacun en deux heures et demie. Et on a eu chaud.

¤ Fin de l'interlude ¤



On a donc piétiné de la caillasse toute la matinée. Mais ça valait le coup.


C'était la fin des MacDonnells, et l'heure de se rendre enfin à l'endroit où tout le monde va pour prendre exactement les mêmes photos: le gros rocher rouge! (ils l'appellent aussi Uluru).

On a dormi sur une aire d'autoroute à 10km du parc national, et on le voyait au loin quand on se réveillait (on avait fait exprès de mettre le coffre vers lui pour pouvoir le voir sans sortir de la voiture). On a vu Uluru le matin, Uluru l'après midi, mais c'est sans aucun doute Uluru le soir, au coucher du soleil, le plus beau:


Peu de personnes le savent, mais Uluru est la deuxième extrémité d'une plaque de roche géante qui plonge sous la terre et qui ressort cinquante kilomètres plus loin, pour faire les Monts Olgas (de leur vrai nom Kata Tjuta).


On a voulu faire la randonnée autour d'Uluru, mais il faisait trop chaud. On a voulu faire la randonnée dans les Kata Tjuta, mais il faisait trop chaud. Toutes les grosses randonnées étaient fermées. Sur les panneaux d'information, ils disaient "fermé pour cause de: été". Très bien.


On a quand même fait des petites randonnées par-ci par-là, c'était intéressant. On a un peu marché le long d'Uluru et on a vu des grottes utilisées par les aborigènes autrefois. Il y avait la grotte des vieux, la grottes des femmes, la grotte cuisine, tout ça. Et après on s'est terré dans les endroits qui avaient la clim en attendant le coucher du soleil: le centre culturel, le centre d'information, et un des bars de la "ville" quand on les autres trucs étaient fermés.

J'étais un peu triste de partir parce qu'Uluru exerce une sorte de fascination étrange sur moi (et sûrement sur tous les autres gens) qui fait que je me sens en sécurité à côté de sa grosse masse imposante et que j'ai tout le temps envie de le regarder. Mais comme on n'allait pas non plus rester dix ans dans cette chaleur infernale, on est parti.

De là, c'était encore deux jours de route jusqu'à Adelaide; mais on s'est arrêté en chemin dans une petite ville qui s'appelle Coober Pedy, et qui se trouve être la capitale mondiale de l'opale. La ville produit un énorme pourcentage de l'opale vendue dans le monde entier (je ne me souviens plus du nombre exact) et est entouré de trous. Elle compte d'ailleurs beaucoup plus de trous que d'habitants puisqu'il y en a, si ma mémoire est bonne, environ un million, pour trois mille habitants. Du coup, il y a plein de panneaux partout qui disent de faire attention où on marche, de ne pas marcher à reculons, de ne pas marcher la tête en l'air, ce genre de trucs.

J'ai personnellement trouvé que c'était une ville assez horrible, avec pas de végétation, du sable et de la pierre partout, et des bâtiments moches. Mais ça faisait une ambiance homogène, au moins.

Le "panorama" sur le "centre-ville".

On a visité une ancienne mine d'opale où ils devaient avoir des problèmes de budget parce que leurs mannequins avaient tous de graves problèmes:

Ah bon il fait pas ça votre bras à vous?

Je crois que le problème est évident.

Je suis le facteur et j'ai de grosses mains molles.

On a bien rigolé. On a aussi vu à quoi ressemblait l'intérieur des maisons troglodytes d'hier et "d'aujourd'hui" (je mets des guillemets parce que c'était quand même plus années 60).



Et voilà comment s'est terminé notre voyage dans le désert.


Dans le prochain article, je vous raconterai la partie pas drôle du road-trip, celle où on était sur la côte Sud et où on n'avait plus d'argent du tout.
Bisous!